Traverser une
œuvre,
Un Voyage initiatique et sensoriel à la Biennale :
L'oeuvre d'art
traditionnelle nous met dans une posture de spectateur en situation de
frontalité comme la peinture. Certes, une sculpture appelle à nous déplacer, à
la contourner mais encore une fois, seul notre regard est sollicité recherchant
dans chaque détail, chaque matière, chaque contour, un sens qui nous est
propre. A la Biennale d'art Contemporain au contraire, la place du spectateur
s'en trouve bouleversé parce qu'il est question d'installation, où cette fois
tous les sens sont sollicités, brouillant même parfois les frontières entre
l'oeuvre d'art et le réel. Voilà pourquoi j'apprécie d'y emmener mes élèves car
c'est cette expérience du sensible qui en fait son caractère unique. Cette année, la Biennale d'Art contemporain de LYON 2019 a lieu aux Usines FAGOR, tout un symbole, expression de l'art in situ. Expérimentation immersive qui va jusqu'à la traversée de l'oeuvre. Traverser
une oeuvre d'art. Quelles oeuvres ? Quel sens donner à ce déplacement qui donne une autre signification à l'oeuvre elle-même ?
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, entrée des Usines FAGOR, BIENNALE LYON 2019 |
Quelques oeuvres de
la Biennale d'Art contemporain 2019 m'ont permis de vivre cette expérience individuelle ou collective
avec mes élèves de 1ère ST2S le 7 novembre 2019. La première traversée commence
par l'arche de Shana MOULTON, artiste américaine qui nous propose un passage
d'un monde à un autre lors du franchissement d'un portique coloré telle une
porte des étoiles. L'oeil qui nous fixe, nous éclaire de son rayon vert
empreint d'une lucidité qui nous sera utile pour comprendre ce qui se passe
dans la halle qui nous attend. Regard sur un monde, un paysage économique,
critique de la société de consommation et en pleine recomposition spatiale.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, arche de Shana MOULTON, BIENNALE LYON 2019 |
Une
traversée furtive que l'on peut réitérer en vrai sur le site de la Presqu'île,
rue du Président Carnot à Lyon 2. Certains élèves l'avaient même déjà vus et
ont pu ressentir cette télétransportation.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, autre arche à LYON, Shana MOULTON, BIENNALE LYON 2019 |
Mais la traversée
peut aussi être celle d'un paysage naturel comme Ronciers de Jean-Marie
APPRIOU, Halle 1. Les élèves l'ont regardé de front mais j'ai osé m'y
aventurer. 5 buissons immenses entremêlés, en fonte d'aluminium nous invitent à
pénétrer dans cette forêt, digne d'un récit de fantasy. Entre l'étrange et
l'inquiétant, attraction et répulsion, les épines et les branches cherchent à
nous attraper sans jamais nous toucher. Une sorte de petit labyrinthe où le
spectateur ressort vainqueur de l'épreuve, au point que cette forêt
buissonnante devient tout à coup si familière et tout simplement belle.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, Ronciers de APPRIOU, BIENNALE LYON 2019 |
L'oeuvre de Bronwyn
katz d'Afrique du Sud Halle 1, intitulée Ile à 3 têtes, parsemées au sol de
piliers en laine d'acier et d'éponges, de fils de fer fins en hauteur a permis
une déambulation au coeur de ce paysage. Une sorte de forêts de cactus ou même
de parc conchylicole qui a donné envie aux élèves de toucher ce tissage de la
matière industrielle.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, Ile à 3 têtes, BIENNALE LYON 2019 |
Traversée d'un
paysage léger et aérien dans Magical Bow de Thào Nguyên Phan, Halle 1.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, Magical Bow, Biennale d'Art contemporain Lyon 2019 |
Arrivé
prés d'une table d'orientation, on observe d'un oeil émerveillé une aquarelle
en soie qui raconte un conte, l'Arbalète magique, une histoire d'amour
contrariée entre un prince chinois et une princesse vietnanienne.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, détail de Magical Bow, Biennale Art contemporain 2019 |
Au dessus de
nos têtes, une hélice d'avion de 1923 laquée tourne, témoignant d'un passé colonial
qui voulait que les hélices de la 1ère guerre mondiale soient laquées par des
ouvriers vietnamiens exploités.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, Magical Bow, Biennale LYON 2019 |
Ce voyage historique devient aussi culturel
quand on s'éloigne de la table, où 20 arbalètes laquées elles-aussi, symboles
du conte et instruments de guerre pivotent sur elles-mêmes, ressemblant à un
vol d'oiseau ou une attaque aérienne. Une traversée où se mêlent passé/présent,
la tradition, le savoir-faire, l'exploitation humaine, l'amour impossible. Les
brises de l'air de l'hélice et des arbalètes caressent notre visage, témoin
d'un monde vivant.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, Magical Bow, Biennale Art contemporain LYON 2019 |
Enfin, cette
traversée s'exprime aussi encore différemment dans l'oeuvre de l'artiste
thaïlandaise, Pannaphan Yodmanee, Quaterly Myth, Halle 4. Ce tuyau, signe d'un
site en démolition, incrusté à l'intérieur de motifs asiatiques inspirés par le
boudhisme, nous fait vivre un vrai passage où le spectateur n'en ressort pas le
même à sa sortie.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, Quartely Myth, Biennale Art Contemporain LYON 2019 |
Mes élèves ont vécu un dépaysement teinté d'exotisme, un
émerveillement face à la finesse et la beauté de ces peintures rupestres de
dragons tels des trésors dorés à l'or fin dont la force des croyances ou de la
spiritualité est capable de transcender la beauté. Une traversée d'un paysage
industriel où le voyage culturel et spirituel n'est pas loin.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, Quaterly Myth, BIENNALE ART CONTEMPORAIN LYON 2019 |
Ces 5 installations ont
mis nos sens en éveil comme si nous étions entrés dans une peinture 3D. Mais
leur force vient du fait qu'elles ne sont pas virtuelles. "Là où les eaux
se mêlent" est donc bien l'expérience d'une traversée, celle que l'on fait
au fil des fleuves et des rivières, tout en se laissant porter par la matière
et les idées. D'oeuvre en oeuvre, d'une traversée à une autre, d'une rive à
l'autre, l'expérience est chaque fois nouvelle et même à recommencer
indéfiniment, comme un voyage initiatique.
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Sources : Sandrine RAMBAUDJ, oeuvres de la Biennale d'Art contemporain de LYON 2019, Usines FAGOR |
Pour mieux me connaitre, voir aussi mon site personnel :
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